Il semble y avoir un débat en ce moment sur la façon de nommer certains groupes religieux. Doit-on les appeler des sectes? Des nouveaux mouvements religieux? Des groupes sectaires? Des groupes religieux marginalisés?
De ce que j’en avais compris, j’utilisais une classification beaucoup plus simple (mais attention, pas simpliste pour autant!). Une religion, c’est quelque chose qui est généralement bénéfique pour les gens qui la pratiquent. Une secte, c’est quelque chose qui est généralement mauvais pour les gens qui la pratiquent.
Évidemment, on tombe ici dans le jugement de valeur. Mais n’est-ce pas justement la question? Qui détermine ce qui est une secte de ce qui est une religion? Et au regard de quels critères? Donc on revient à la question de départ: qu’est-ce qui est bon, qu’est-ce qui est mauvais?
J’utilisais les critères identifiés par Info-sectes, que je trouvais aussi clairs que difficile à interpréter, dans le bon sens du terme. Quand on parle d’exigences financières exagérées, par exemple, qui détermine où est la limite? Et c’est exactement le problème vécu par les gens (et leur entourage) aux prises avec des groupes religieux sur la ligne entre le sain et le malsain.

Aucun groupe ne recruterait des fidèles en leur disant « Nous vous exploiterons, vous détruirons, vous rendrons seuls, misérables et malheureux, venez! ». Des gens intelligents, brillants, altruistes, sains et bien entourés reconnaitront pourtant parfois avoir été séduits par une secte. Pourquoi?
Je trouve que le livre de Gabrielle Lavallée offre beaucoup de pistes de réflexion. Pour ceux qui connaissent la tragique histoire de la secte de Roch (dit Moïse) Thériault, vous comprendrez vite qu’il ne s’agit pas d’un livre à mettre entre les mains de vos élèves. Le témoignage y est cru, vrai, direct, sans censure. Les sévices sexuels, la violence, les crimes et autres y sont clairement expliqués.

Mais c’est nécessaire puisque ça fait partie de toute la réflexion philosophique, humaine et spirituelle qui peut amener un être humain ordinaire à croire que ces comportements ont un sens, qu’ils sont nécessaires et justifiés. Madame Lavallée explique très bien les étapes qui amènent à raisonner ce qui n’est pas raisonnable. C’est difficile à expliquer – elle le fait mieux que moi, lisez son livre -.
Le fait de le comprendre de l’intérieur permet de changer le discours sur les « illuminés » qui adhèrent aux sectes et de comprendre que ce n’est pas un choix. C’est un ensemble de facteurs, de circonstances, de hasards. Ces personnes ne sont pas crédules, choisies au hasard.
Et surtout, surtout: les sectes ne visent pas uniquement les personnes qui sont croyantes. Elles n’en ont pas besoin, elles ont déjà des croyances (quoique…). Ce sont toutes les autres, qui se cherchent, qui posent des questions, qui cherchent des ancrages, qui sont le plus à risque. Au Québec, ça représente beaucoup de monde.
À un moment où les « coach de vie », les produits naturels, les retraites méditatives, l’art-thérapie, les thérapies alternatives, les croyances personnelles, le vedettariat et autres sont aussi populaires, je crois qu’il faut envisager les groupes sectaires d’une autre façon. L’heure n’est plus aux chorales qui changent en robe de lin bio dans des champs (quoique…). On doit être vigilant, et outiller nos élèves. Tout ce qui brille n’est pas or.
